Monsieur Brancart, directeur des verreries de Fauquez, avait mis au point un système de cotisation auquel chaque membre du personnel adhérait, prémices de mutualité servant à couvrir les frais occasionnés par une maladie ou un accident.
La "petite" histoire de La Chapelle de Fauquez
Construction de la Chapelle de Verre
Arthur Brancart avait pour l’époque un esprit socialement avancé, en effet, dès qu’il eut acquit les Verreries de Fauquez en 1915, il se préoccupa aussitôt du bien être du personnel.
C’est ainsi que les ouvriers résidaient gratuitement au village, une coopérative d’achat (de tous biens de consommation y compris le charbon et l’eau courante) mise en place à l’initiative d’Arthur Brancart procurait aux ouvriers et employés les meilleurs prix de la région. Une école accueillant les enfants de 3 à 12 ans, une salle de cinéma, une plaine de jeux, le dispensaire des ouvriers complètent le cadre de vie des habitants.
De plus, fait rarissime pour l’époque, Monsieur Brancart avait mis au point un système de cotisation auquel chaque membre du personnel adhérait, ce système était en fait un embryon de mutualité servant à couvrir les frais occasionnés par une maladie ou un accident.
A la suite de la première guerre mondiale, une nouvelle loi interdit la mixité au sein d’une même classe, ce qui était jusqu’alors le cas à l’école de Fauquez. La Chapelle, installée au sein même de celle-ci et placée sous la protection de Saint Michel depuis la visite du Cardinal Joseph Mercier en septembre 1909 prenait la place de deux classes, il fut décidé de construire un nouveau lieu de culte.
La parcelle sur laquelle est érigée la Chapelle est un don de Monsieur et Madame Ernest et Isabelle Seutin agriculteurs au village de Fauquez. Ce don était assorti de deux conditions, y construire une église de culte catholique, rétrocéder ce terrain à la famille si le lieu ne servait plus au culte. La dimension réduite de la parcelle imposa une orientation particulière Nord (porche) Sud (choeur).
Un show-room pour les verreries
Même s’il paraît certain que, lors de la foire des Arts Décoratifs de 1925 à Paris, Arthur Brancart fit la connaissance d’Antoine Courtens, alors en stage chez Horta (les plans d’Antoine Courtens font actuellement partie de la collection de la Chapelle de verre) l’origine des plans actuels est inconnue.
Le plan est très simple: une nef principale terminée par un chevet semi-circulaire, deux bas côtés et l’absence d’un transept.
La Chapelle de Fauquez servit de lieu de culte, la famille Brancart ayant droit aux places avant, viennent ensuite les employés puis les ouvriers, mais elle servit également de salle d’exposition.
La Chapelle étant ouverte à toutes heures, les clients de la verrerie pouvaient en un coup d’oeil découvrir les nombreuses possibilités de placement qu’offrait la marbrite.
En effet, la marbrite est partout, en façade jusqu’à la hauteur du porche, à l’intérieur, des lames de marbrite blanches, noires ocre et orange entourent les dalles de béton carrées du sol, la marbrite est appliquée au mur jusqu’à 1,70m de hauteur, les joints des murs cimentés ( teinte rouge anglais) sont réalisés en marbrite blanche. Des dalles de marbrite carrées d’environ 40 cm de côté et de quatre teintes différentes sont fixées au lattis du plafond avec des cabochons de verre. Le choeur est décoré de quatre fleurs de lys entourées de verre doré.
L’ensemble des 19 vitraux a été réalisé aux Verreries de Fauquez avec le verre dit “cathédrale” provenant exclusivement des usines. Les cartons des vitraux furent réalisés par Anto Carte, cofondateur du groupe Nervia (1886-1954), les vitraux furent assemblés par Florent-Prosper Colpaert (1886-1940).
Sur les vitraux, la vie de Sainte Lutgarde
Le vitrail central du choeur représente Jésus ou Arthur Brancart entouré de ses apôtres ou de ses ouvriers sur fond d’usine, ce vitrail partiellement restauré se trouve actuellement dans l’ancienne école du village. Les deux autres vitraux du choeur représentent Saint Michel (au musée de Louvain -la-Neuve), patron du village et Saint Laurent, patron des verriers.
Les 16 autres vitraux décrivent succintement les étapes de la vie de Sainte Lutgarde, sainte à la quelle est dédiée la Chapelle de Fauquez, soit pour ceux d’entre vous qui veulent tout savoir sur Sainte Lutgarde et qui n’ont jamais osé le demander:
1 Lutgarde et le chevalier.
2 Lévitation de Lutgarde par le Christ.
3 Enlacement de Lutgarde par le Christ.
4 Couronnement d’Hughes de Pierpont.
5 L’aigle de Jean et le Christ sous l’aspect d’un agneau.
6 Lutgarde choisie comme prieure.
7 Jean de Liro et le Christ la prient d’aller à Aywières.
8 Lutgarde quitte Saint Trond pour Aywières.
9 Jacques de Vitry, évêque de Saint Jean d’Acre.
10 Simon de Foigny apparaît à Sainte Lutgarde.
11 Vision des plaies du Christ.
12 Rupture de la veine de Sainte Lutgarde.
13 Apparition d’Osanne.
14 Les anges conduisent Lutgarde à l’autel.
15 Vision de la Vierge et de Saint Jean-Baptiste.
16 Mort de Sainte Lutgarde.
La Chapelle de Fauquez servit au culte de 1930 à 1977, date de son abandon.
Conformément à la volonté d’Ernest et Isabelle Seutin, la Chapelle redevint la propriété de la famille en l’occurence Jules et Georgette Maistriau- Seutin en 1984.
La fabrication de la marbrite démarre véritablement à Fauquez en 1922.
Le rayonnement du produit s’opère toutefois au lendemain de l’Exposition des Arts Décoratifs de Paris en 1925, où les Verreries de Fauquez disposent de leur propre pavillon, fort remarqué et même primé.
La vie d'Arthur Brancart, inventeur de la marbrite
Un directeur inventif et autodidacte
Arthur Brancart, patron des verreries de Fauquez et génial inventeur est un petit peu l’âme du village.
Né à Thulin (Hainaut) le 13 juin 1870, au sein d’une famille modeste, Arthur Brancart commence sa carrière professionnelle comme apprenti mécanicien, avant d’être employé comme apprenti verrier à Boussu.
Soucieux de parfaire sa formation, il suit des cours du soir et s’initie à la décoration artistique, à la peinture et au dessin, ce qui l’amène à travailler comme graveur sur verre aux entreprises Havaux à Saint Ghislain.
D’abord chef d’atelier puis directeur gérant des Gobeleteries et Cristalleries de l’Escaut à Anvers, il se rend à Radom ( Pologne russe) avec pour mission d’y remettre de l’ordre dans une filiale de la Société Générale: les bouteilleries et verreries Modéra. Sa carrière prend alors son véritable essor. Il a 29 ans et s’intéresse déjà à la mise au point d’innovations techniques dans le domaine verrier.
Les usines de Fauquez ont été acquises en 1899 par un verrier de Manage, Henri Michotte. Elles connaissent cependant très vite des difficultés qui poussent certains membres du conseil d’administration à faire appel à Arthur Brancart, réputé pour ses talents dans le domaine verrier et pour ses talents de gestionnaire. L’arrivée de Brancart à Fauquez en 1902 sera déterminante aussi bien pour l’évolution de l’entreprise que pour le développement du site.
Arthur Brancart prend rapidement une place prépondérante au sein de l’entreprise. En 1904, un département Céramique est ouvert à Fauquez, tandis que Arthur Brancart tente de fabriquer de nouveaux produits verriers. Il envisage une diversification des activités en mettant au point la fabrication de verres spéciaux.
En 1907, les difficultés internes liées à la gestion des usines, de même qu’un contexte social agité, provoquent la démission du conseil d’administration. Suivra une période de turbulences qui permettra à Arthur Brancart d’affirmer son rôle de chef d’entreprise. Son esprit curieux et inventif le pousse par ailleurs à poursuivre ses recherches notamment dans le domaine du verre opalin. Ses innovations en matière de verres opalescents et coloriés reçoivent une première consécration à l’Exposition de Gand en 1913.
Un village quasiment autarcique
La mise au point de la marbrite, commercialisée après la Première Guerre Mondiale dans un contexte de reconstruction et de reprise est déterminante dans le développement des Verreries de Fauquez. Par son originalité, la marbrite connaîtra un succès qui débordera très largement nos frontières.
La fabrication de la marbrite démarre véritablement à Fauquez en 1922. Le rayonnement du produit s’opère toutefois au lendemain de l’Exposition des Arts Décoratifs de Paris en 1925, où les Verreries de Fauquez disposent de leur propre pavillon, fort remarqué et même primé.
Autodidacte, habile en affaires, Arthur Brancart présente de multiples facettes: ne le retrouve-t-on pas, à l’occasion de cette exposition de Paris, comme l’un des six vices présidents du comité belge du groupe architecture, auprès de noms aussi prestigieux que Sneyers, van der Swaelmen ou Van de Voorde? Il saura aussi très efficacement développer toute une infrastructure autour de son entreprise, en fixant la main d’oeuvre et en organisant une vie sociale quasi autarcique sur le site topographiquement si particulier de Fauquez.
Ses sympathies affirmées pour les idées du parti ouvrier belge, alors qu’il n’était encore qu’un jeune apprenti, ne sont probablement pas étrangères à la mise en place de cette politique patronale paternaliste. Celle-ci vise à encadrer quotidiennement la vie des ouvriers pour ainsi dire de la naissance à la mort, en passant par les moments de loisirs.
Parmi les réalisations de cet ordre, citons outre les écoles, les logements gratuits pour les ouvriers de l’usine, les magasins (boucherie, boulangerie, épicerie) la salle des fêtes arborant fièrement en lettres de marbrite ivoire Bien Travailler Bien S’amuser, où se tiennent les festivités locales, les projections cinématographiques, les représentations théâtrales, les concerts de l’Harmonie des Verreries de Fauquez... le tout entouré par deux maisons directoriales: l’une à proximité de l’usine de céramique, l’autre au lieu dit Piédeau près du département de la marbrite.
D’autres initiatives telles que la mise en place d’une Caisse de secours et de Prévoyance du Personnel ou l’organisation, pour les ouvriers de l’entreprise, d’un système d’approvisionnement en charbon et pommes de terre, sont relatées non sans emphase dans une brochure adressée au Ministre de l’Industrie, du Travail et de la Prévoyance sociale de l’époque. Les aménagements sur le site de Fauquez connaissent cependant un véritable point d’orgue avec l’édification, entre 1928 et 1929, de La Chapelle Sainte Lutgarde, étonnant immeuble vitrine des productions du département marbrite, à l’instar de la salle des fêtes et des maisons directoriales.
Apogée et déclin de la marbrite
Les années 1920 1930 correspondent à la présence d’Arthur Brancart à la tête des usines. Elles marquent l’apogée des Verreries de Fauquez dont la spécialité, la marbrite, n’évincera pas les autres activités industrielles de l’usine: production de verres creux, de verres spéciaux, de céramique. Ce matériau original contribuera toutefois, pour une grande part, au puissant essor des usines dans l’Entre-Deux-Guerres: n'occupant, à l’origine, que 200 ouvrier, celles-ci en emploient 800 entre 1926 et 1930.
Gravement malade, Arthur Brancart se retire de la direction de l’entreprise en 1932, deux ans avant sa mort. Un comité directorial composé de ses fils, Robert, Yvon, Robert et Raoul et de son neveu Claude Locreille lui succède. Chacun des codirecteurs a la responsabilité d’un secteur de l’usine: Yvon Brancart dirige le département marbrite. Bien que les verreries de Fauquez maintiennent leur activité, la retraite anticipée d’Arthur Brancart signe l’amorce du déclin de l’entreprise, dont la gestion se trouve minée par une direction éclatée. Durant les années 1930, la production de la marbrite continue à prospérer, mais la seconde guerre mondiale marque une cassure: la pénurie de matières premières et énergétiques contraint le département marbrite à interrompre ses activités. Celles-ci ne reprendront qu’en 1949.
Un mode de production obsolète, la concurrence de nouveaux matériaux, une gestion défaillante entraineront la fermeture progressive des divers départements des usines de Fauquez. L’usine de marbrite ferme ses portes en 1964. Seul le secteur des verres creux maintient ses activités au delà des années 1970. Il sera vendu aux Bouteilleries belges réunies en 1972. Sa cession en 1974, à la Société Verlipack annonce la fin de la production verrière: le département est alors reconverti à la fabrication de bouteilles en plastique jusqu’en 1981, date de l’arrêt définitif de toute activité industrielle à Fauquez.
Sources: Les Carnets du Patrimoine N° 27
Les maisons en marbrite et en cimorné en Wallonie
Lucia Gaillardo
Claire Billen
"Bien travailler, bien s'amuser"
L'Utopie selon Arthur Brancart
Documentaire de 26 minutes d'Olivier Vandersleyen retraçant l'histoire industrielle et le quotidien du village du temps des verreries.
Monsieur Lucien Brancart et les derniers ouvriers des verreries vous plongent dans l'atmosphère si particulière de Fauquez.
Plus d'infos: www.widescreen.be